Le goût des framboises
Elles sont de taille parfaite et de couleur intense. Elles ont le goût de l’été. Elles procurent une sensation particulière en bouche, charnue et délicate à la fois. Dès que je les cueille sur l'arbuste, elles réveillent en moi des pensées nostalgiques : des souvenirs d'enfance…
Le 6 juin. Je suis fière d'envoyer à ma mère une photo de ma main remplie des premières framboises de mon propre jardin. C'était la dernière photo avant que je devienne moi-même mère. Le 7 juin, ma fille Fanny est née et chaque année, cette poignée de framboises me rappelle le jour de sa naissance. Ce gros mélange d'impatience, de peur et de joie anticipée.
Aujourd'hui, sept ans plus tard, nous sommes à nouveau le 6 juin et la petite sœur de Fanny, Célestine, goûte pour la toute première fois une framboise de notre arbuste. Elle grimace un peu, car elles sont encore un peu acides.
Souvenirs d'enfance
Ce framboisier n'a ni une signification particulière parce que je l'ai découvert par hasard dans le jardin lorsque nous avons emménagé dans la maison, ni parce que je le cultive depuis avec le plus grand soin et la plus grande attention, comme mes deux filles. Il me rappelle ma propre enfance. Dès que je mets ce petit fruit couleur framboise dans ma bouche, je suis transportée dans le jardin de mes grands-parents. Chaque été, nous recevions un appel de ma grand-mère : « Venez, les framboises sont mûres. » Et quelles framboises ! Épaisses, charnues et si abondantes que nous n'arrivions pas à les manger toutes. Nous avions des seaux entiers de framboises dans le ventre. Chaque été, nous célébrions à nouveau cette orgie de fruits roses.
Notre enfance nous marque plus que nous ne le pensons. Dans nos actions quotidiennes, nous reproduisons ce que nous avons vécu, appris, observé ou perçu de manière fugace et passive. Nous le transmettons automatiquement à nos propres enfants, consciemment ou inconsciemment. Car nos expériences d'enfance sont notre propre vérité, ce que nous considérons comme bon et juste. Lorsque je suis devenue mère, toutes ces vérités avec lesquelles finalement je n'étais pas toujours d'accord en tant qu'adulte dans ma propre vie familiale m'ont frappée de plein fouet. Lorsque l'on en prend conscience, on se retrouve facilement en proie à des conflits intérieurs qui nous accompagnent au quotidien. L'accent est souvent mis sur les aspects négatifs et cela devient un combat intérieur pour transformer ses habitudes et ses manies en quelque chose de positif. Alors que je m'efforce régulièrement de façonner mon double rôle de mère selon mes propres règles, mes souhaits et ma situation, les beaux souvenirs d'enfance s'estompent parfois. Or, il n'y avait pas seulement le framboisier dans le jardin, mais aussi des vacances en famille, des fous rires, les premiers spectacles de danse, des anniversaires avec un festival de gâteaux et toujours beaucoup d'amour !
Parfois, il faut s'accrocher à la banalité pour se souvenir des belles choses. La vie prend alors tout de suite un goût plus doux. Comme la framboise. Un mélange sucré et parfois un peu acidulé.
